
Pliable n° 2 est une collaboration
avec Rose Durr. Il présente Fuchsenrain,
un territoire entre deux mondes
qui est aussi l’origine d’une recherche,
une tentative de retrouver
la maison d’enfance disparue.
Sortie /
Mars 2022
Distribution /
Maison européenne de la photographie
Jeu de Paume
Produit en 200 exemplaires, il est imprimé sur un papier Munken Lynx 100 g, plié à la main et accompagné d’un tirage lambda.
La photographie du balcon, celle qui se trouve sur la couverture, donc à l’extérieur du Pliable, est la seule faite à l’intérieur de la maison. Elle vient d’un autre temps, d’un lieu qui n’est plus. Une personne a été effacée de l’image et le vide laissé a été rempli, en un clic, par les éléments autour, dévoilant ainsi le pixel de l’image numérique. Ces picture elements, vides ou pleins, comblent l’espace et dégagent le chemin du regard vers la maison dessinée, à même le mur, au fond de la photo. Il n’y a plus personne, mais il y a, déjà, une image de la maison. Dès lors, ce balcon n’est plus seulement le seuil entre le dehors et le dedans, mais aussi entre le passé et le futur, entre le réel et le virtuel.
Effacez la personne, il reste des pixels. Détruisez la maison, que reste-t-il ? Comment retrouver la maison de l’enfance ? Le vide laissé par son absence réelle peut-il, lui aussi, se « remplir avec le contenu pris en compte », pour reprendre l’option proposée par Photoshop ? C’est à la re-
cherche de ces éléments que Rose Durr s’engage.
Dans le Pliable, elle ne sillonne pas les chemins de la mémoire, ni ceux que peuvent offrir certaines photographies d’enfance, mais ceux proposés par Google et le site de l’IGN – des images numériques, froides, au plus près de ce que pourrait être une objectivité photographique. Il y a comme une nécessité à manipuler ces images, à les agrandir, comme pour s’approcher de la maison, et pouvoir toucher les quelques pixels de cette partie du toit que l’on aperçoit entre la végétation. Mais ce geste est aussi animé par le même désir que celui, innocent, de l’enfant dessinant cette maison sur le balcon, quelques années auparavant, bien avant que la destruction soit imaginable. Ces altérations révèlent l’arkhè de l’image numérique, le pixel est excessivement manifeste, telles des briques d’une maison virtuelle. Se tenir à la lisière du visible, à la lisière du lieu, dans l’espoir de retrouver l’architecture de la maison à jamais détruite.
Il y a une dernière photographie, en contre-point du Pliable ; elle est au moyen format et fait écho à la première photographie – elle aussi à l’argentique, elle aussi à l’écart. C’est un espace intérieur. Une moquette, une couleur, le pas d’une porte, des éléments qui rappellent la maison de l’enfance. Des gonds permettant de fermer et d’ouvrir – tel le pli – des espaces autres où passé et présent conversent secrètement. La photographie devient alors une correspondance faisant résonner, aujourd’hui, des souvenirs d’hier.


